Bonjour, pouvez-vous vous présenter ? Quel rôle tenez-vous tous les deux ?
Xavier : Bonjour, je m'appelle Xavier Amirault et je suis vigneron exploitant au domaine familial de Saint-Nicolas-de-Bourgueil.
Depuis mon retour en 2011, nous entretenons la vigne et produisons du vin avec une quinzaine de personnes, que nous gérons également.
Notre travail s'étend de la culture de la vigne à l'administratif en passant par les ressources humaines et la partie commerciale avec nos clients. Nous accordons une réelle importance à l'humain dans l'ensemble de nos activités.
Isabelle : Je suis Isabelle Jeudi et je suis directrice de l’Auberge du Bon Laboureur à Chenonceaux. Je suis en charge de la partie hébergement et de la partie commerciale. Pendant la saison, j'accueille les hôtes et je veille avec une équipe sympathique et compétente au bon déroulement de la vie dans cette auberge qui emploie 25 à 30 personnes.
Parlez-nous de vos histoires...
Xavier : Mon histoire en tant que vigneron a commencé il y a maintenant 10 ans. Je suis né sur le domaine familial, fréquenté depuis deux siècles par six générations.
J'ai appris en regardant mes parents travailler, en participant à la vinification les mercredis, les samedis et pendant les vacances. Contrairement à mon frère, je n'ai pas réalisé d'études dans le vin. J'avais envie de connaître l'électronique, alors j'ai travaillé pour IBM, puis dans l'événementiel à Paris avant de vivre 12 ans aux États-Unis et de revenir à Saint-Nicolas-de-Bourgueil en 2011.
J'ai grandi avec mes connaissances, au contact de ma famille et grâce à de nombreuses formations.
Isabelle : J’ai tout simplement décidé d’accompagner mon mari dans sa vie professionnelle, alors que je n'avais jamais imaginé une minute exercer ce métier !
J'ai dit au revoir aux vacances d'été au soleil avec mes amis. Je peux vous assurer que la plupart des jeunes qui commencent ce travail et qui restent, sont véritablement passionnés et courageux.
Qu'est-ce qui fait la particularité de votre vin, Xavier ? Et de votre auberge Isabelle ?
Xavier : Nous vivons de notre vin 365 jours par an. Nous le voyons naître, nous le chérissons et chaque millésime est unique. Nous produisons en agriculture biologique depuis 2 ans et en biodynamie certifiée Demeter.
Nous cultivons une réelle passion pour le vivant. Nous souhaitons avant tout que nos vignes se sentent bien et donnent le meilleur d'elles-mêmes. Nous prenons donc quotidiennement le temps, en travaillant nos vignes de façon traditionnelle, saine et respectueuse.
Notre production est avant tout marquée par une équipe qui met du cœur à l'ouvrage pour rendre un vin non pas unique, mais vivant et riche en émotions.
Isabelle : J'aime comparer l'Auberge à une vieille dame ayant traversé de nombreuses années dans la même famille. La gastronomie y est une tradition familiale. Nous maintenons le savoir-faire d'une cuisine empreinte de son passé et de ses racines.
Cependant, tout est allégé, modernisé et nous ne « cuisons » plus de la même façon. Nous travaillons toujours dans le respect des beaux produits de saison issus du marché.
Le restaurant est vaste et nos salons disposent d'une pièce plus décontractée où sont servis des produits de grande qualité, pour les personnes n'ayant pas envie de s’attabler au restaurant. C'est important de s’adapter sans tomber dans la médiocrité.
La carte des vins représente beaucoup de travail : le nôtre, mais aussi celui de la vigne et des viticulteurs.
Qu'appréciez-vous le plus dans vos métiers ?
Xavier : J'aime l'ouverture aux autres associée au fait de travailler avec des personnes d'horizons différents. J'apprécie également le monde du vin, qui est un produit de partage et par conséquent, permet les nouvelles rencontres aussi bien localement qu'internationalement.
Cet avantage nous permet, en tant que petite entreprise, d'avoir de grandes ambitions.
Isabelle : Chaque jour, j’ouvre les mêmes portes, je donne les mêmes clés de chambre, je vois les assiettes sortir de la cuisine, je sens les odeurs se mélanger, les voitures et les vélos se garer et pourtant, chaque fois est toujours différente, car les gens sont uniques.
C’est la diversité humaine qui fait la différence et c'est ce qui fait la difficulté de notre métier. Les habitudes, les cultures, les langues parlées... nos jeunes collaborateurs sont toujours ravis et enthousiastes à l'idée d'accueillir nos clients. C'est un réel plaisir de les voir évoluer.
Travaillez-vous actuellement sur un projet particulier ?
Xavier : Des projets, j'en ai autant que j'ai de rêves en tête ! Actuellement, nous souhaitons redonner vie à la Ferme des Fontaines, située au sein du domaine. Elle devrait s'ajouter à notre principe de biodynamie en apportant une diversité supplémentaire au domaine (replantation d'arbres, végétaux, légumes, animaux).
Elle sera également un lieu de rencontres, de maraîchage et de formation où les locaux pourront venir acheter nos produits, mais aussi militer pour montrer qu'il est encore possible de réaliser des choses ensemble.
Ce projet nécessite bien sûr des investissements importants que nous souhaitons transparents. Le but de cette ferme serait d'être totalement autonome à terme. Deux personnes pourraient d'ailleurs se joindre à l'équipe à temps plein au cœur de la ferme.
Isabelle : Aujourd'hui, l'enjeu pour tous est d'éviter de s'éloigner de la culture, du patrimoine, tout en respectant l'accueil et les lieux, tout près du château de Chenonceau, en pleine vallée de la Loire.
Il est compliqué de ne pas céder à la facilité. Une maison comme celle du Bon Laboureur demande tous les ans un entretien considérable conjugué à d'importants travaux. Des projets et événements viennent animer l'auberge chaque saison : l’arrière-grand-père aurait du mal à imaginer une piscine et un jacuzzi à la place de son champ de framboises !
L’hôtel classé 4 étoiles a été labellisé Clef Verte il y a 2 ans. Notre engagement est total depuis longtemps.
La région a fait un travail incroyable grâce à la Loire à Vélo. La beauté des sites responsabilise les gens : à nous maintenant de rester à la hauteur.
Une anecdote à partager ?
Xavier : Notre équipe s'est constituée au cours de ces 10 dernières années et nous formons désormais un groupe qui s'entend très bien.
Il n'est donc pas rare de nous voir allongés sur la terrasse du domaine, les yeux fermés pendant 15 minutes lors d'une séance de relaxation !
Un spécialiste nous rend régulièrement visite pour nous apprendre à ressentir les énergies de la cave. Cela rejoint la partie biodynamie sur laquelle nous travaillons.
Jamais je n'aurais rêvé à un moment de motiver des hommes et des femmes, tous âges confondus, à méditer sur les énergies qui nous entourent.
Isabelle : Le samedi 14 mars 2020, lorsque deux gendarmes sont venus nous annoncer que l'Auberge devait fermer, nous savions qu'une page se tournait. La réouverture en juin 2020 a été difficile, car nous travaillions comme des fous avant.
Aujourd'hui, ce sont les jeunes, nos enfants, qui nous prouvent que la page est tournée et qu'il faut vivre avec son temps, celui du XXIe siècle. La jeunesse a des idées, elle a soif de formation pour nos métiers. Je souris quand ces derniers parlent de slow life, de fooding et de développement durable avec une culture incroyable et une belle volonté de travailler et partager autrement. Laissons-les s'exprimer !
