Bonjour, pouvez-vous vous présenter ? Quelles sont vos missions au parc du Futuroscope ?
Bonjour, je m’appelle Olivier Héral, je suis directeur de la création au parc du Futuroscope depuis 2005. Je viens du milieu du design industriel, j’ai notamment fait mes études à Nancy pour l’obtention d’un diplôme de designer industriel. Je suis arrivé au Futuroscope à une époque où celui-ci était identifié comme parc de l’image et cherchait justement à s’orienter progressivement vers la conception d’attractions.
Nous sommes dans un domaine où la concurrence est de plus en plus importante. L’idée était donc de trouver une voie différenciante en assemblant des nouveaux concepts pour sortir de la simple salle de cinéma. J’ai œuvré sur plusieurs attractions : Arthur, l'aventure 4D puis Danse avec les Robots, La Machine à Voyager dans le Temps, mais aussi l’Extraordinaire Voyage.
Quelle est justement la voie différenciante empruntée par le Futuroscope ?
Nos concurrents ont des terrains d’imaginaire très spécifiques. Au Futuroscope, la promesse initiale était de vivre des morceaux de futur. Cette promesse devenant difficile à tenir, nous nous sommes écartés de ce futur immédiat pour nous tourner vers le monde moderne. Celui-ci est en perpétuel mouvement, nous souhaitons donc raconter tout ce qu’il s'y passe, grâce à des attractions telles que Dans les yeux de Thomas Pesquet ou Objectif Mars.
Nous souhaitons transmettre un savoir, parfois par le biais de la dérision, comme c’est le cas avec les Lapins Crétins. Nous conservons la technologie comme moyen de transmission de ce savoir, mais nous ne sommes pas là pour prédire le futur. Pour autant, nous n’en oublions pas de divertir notre public ! Nous voulons que nos attractions laissent une trace dans l'esprit des visiteurs.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la genèse de l'attraction l'Extraordinaire Voyage ?
Nous cherchions l’immersion ultime dans l’image. Dans nos précédentes attractions, nous sommes allés de plus en plus loin dans ce concept. À l’époque, nous avions identifié un prototype pensé sur mesure pour Disney. Nous étions intéressés par celui-ci, mais souhaitions en faire quelque chose d’encore plus immersif.
Nous avons contacté le fabricant, Dynamic Attractions, qui travaillait sur un nouveau concept, une plateforme qui permettait de faire basculer 84 sièges dans une salle dotée d'un écran hémisphérique. Nous nous sommes rendus à Vancouver, au Canada, où nous avons pu voir le prototype.
Nous avons immédiatement perçu le potentiel que représentait cette machine. Nous avons souhaité associer une histoire à ce dispositif, mais surtout une promesse : mener le visiteur vers un voyage extraordinaire.
De fil en aiguille, nous nous sommes rejoints sur l’idée de rendre un hommage à Jules Verne et à son Tour du monde en quatre-vingts jours, mais en le transposant en voyage de quelques minutes, par le biais d’une compagnie aérienne fictive.
Une fois le travail réflexif achevé, il a fallu bâtir la salle. Nous devions trouver un fabricant qui allait concevoir un vaste écran demi-sphérique. Nous avons trouvé notre bonheur en Chine, qui dispose de ce savoir-faire. Nombre de cinémas hémisphériques y sont implantés.
Ensuite, nous avons dû réaliser un film en 6K, alors que le monde imaginait tout juste la 4K. Pour répondre à ce défi technologique, nous avons utilisé un nouveau procédé cinématographique qui mélange les images réelles à celles de synthèse.
Leur très grande résolution permet à nos visiteurs de croire en l'expérience, comme s'ils survolaient ces lieux mythiques que sont les pyramides d’Égypte, le Yellowstone, Dubaï, etc.
Au fur et à mesure, nous avons complété l'attraction en y ajoutant des effets comme des senteurs. Nous en avons ajouté deux : le safran pour l’Inde et le pin pour le Yellowstone. Un autre défi est apparu : comment occuper les visiteurs lors de l'attente ?
Nous avons alors imaginé un pré-show pendant lequel le commandant de bord se présente et accueille les visiteurs dans une navette fictive.
Quel a été votre rôle dans le processus de création de l'Extraordinaire Voyage ?
Je me suis assuré du bon assemblage des éléments lors de la construction de cette attraction. J'ai également veillé à ce qu’une direction artistique existe. L’Extraordinaire Voyage a réuni plus de 300 personnes, réparties sur plus de 50 métiers différents. Ingénieurs, architectes, sculpteurs, graphistes, etc. Il m’a fallu être suffisamment au courant du rôle de chacun pour que la promesse du parc soit à la hauteur des attentes.
Comment a été réalisé le film de l'Extraordinaire Voyage ?
Pour la réalisation du film, nous avons lancé un appel d’offre européen qui a été remporté par l’entreprise française Cube Creative. L’entreprise a fait appel à la photogrammétrie, qui consiste à prendre des photos du réel et à les mapper sur un modèle 3D complété avec des images réelles. D’une image de 2 000 pixels, il est ainsi possible de compléter les périphéries pour arriver aux 6 000 pixels qui offrent une expérience immersive des plus qualitatives.
Nous avons travaillé avec le réalisateur Nicolas Deveaux, qui dispose d’un savoir-faire indéniable sur la photogrammétrie. La production a duré 18 mois, durant lesquels nous avons poussé le sens du détail à l’extrême puisque même les textiles les plus infimes ont été travaillés pour rendre l’expérience la plus immersive possible.
Une anecdote à partager ?
Lorsque nous avons acquis la technologie pour réaliser cette nouvelle attraction, nous souhaitions originellement la coupler avec le monde d’Avatar, Pandora. Nous avons envoyé un dossier à James Cameron et nous avons eu un retour du réalisateur quelques semaines plus tard. Celui-ci venait de signer avec Disney et ne pouvait donc pas participer au projet, mais a toutefois précisé que nous avions totalement saisi le sens du dispositif. Deux ans plus tard, une attraction similaire voyait le jour à Universal Orlando, aux États-Unis.
