Un promeneur, longeant les rives de la Cisse, de Vouvray à Nazelles, les premières années du xxe siècle, n’aurait pas manqué de remarquer, aux beaux jours, un homme assis devant un chevalet, jambes prises dans des guêtres et chapeau sur la tête, tenant un pinceau d’une main et sa palette de l’autre.
Si ce passant s’était penché sur le panneau de bois qui servait de tableau au peintre, il aurait vu que celui-ci peignait l’eau de la rivière, ses reflets, les tiges des iris sauvages et des saules, et les silhouettes de quelques lavandières dont les vêtements bleus trouaient le vert, reproduisant autant ce qu’il voyait que ses propres émotions. Ce peintre qui maniait ses pinceaux sans presque tacher le chiffon posé délicatement sur ses genoux, c’était Édouard Debat-Ponsan, alors peintre de Touraine.
Des hauts de Nazelles, où il loua à partir de 1900 puis acheta le château, aux futaies d’Amboise, des gardiens de troupeaux aux couples de boeufs, son chevalet se déplaçait pour des scènes de genre ou des vues de paysage.
L’oeil, le geste,surtout les émotions du peintre, à défaut de lâcher l’impression, suivent aussi les cours d’eau : Cisse, Brenne, mais aussi Loire, la Loire déjà, la Loire toujours…
À la fin du xxe siècle, un passant longeant les bords du fleuve, entre îles et rives de sable et gravier, aurait pu rencontrer, aux beaux jours, face au château d’Amboise, un étrange spectacle : un peintre, en bottes de caoutchouc et vêtements maculés de peinture utilisant une Ford jaune en guise de chevalet et son capot pour palette, brosse avec un balai une série de toiles de toutes dimensions.
La peinture diluée au White Spirit dans des bassines est étalée d’un large geste, parfois complété au couteau. Les émotions, les impressions du jour qui naît ou du soir qui tombe, l’eau qui ricoche sur les bancs de sable, les oiseaux qui migrent sur le ciel qui devient rose, tout est prétexte au lyrisme de l’abstraction.
Ce peintre, c’était mon père, Olivier Debré, le petit-fils d’Édouard Debat-Ponsan. Prolongeant d’un autre angle le regard du peintre toulousain sur la campagne tourangelle, je veux croire qu’entre générations, les sentiments et émotions qui maniaient différemment la palette des couleurs et des formes étaient cependant proches.
L’un et l’autre auraient pu penser que la vérité ne sort pas tant du puits que du fleuve. La Loire en partage… J’aime à croire qu’ils auraient aimé se rencontrer pour passer d’une rive à l’autre, d’un siècle à l’autre, dans l’histoire de l’Art.
Texte du Professeur Patrice DEBRÉ
Médecin Immunologiste et Président du CA du CIRAD
Visiter l’Exposition “Dans la Lumière de l’Impressionnisme, Edouard Debat-Ponsant” à Tours
Jusqu’au dimanche 15 février 2015, le Musée des Beaux Arts de Tours accueille une exposition consacrée à l’artiste-peintre Edouard Debat-Ponsant, au travers de 80 peintures exposées.
Le Musée des Beaux Arts de Tours est ouvert tous les jours (sauf le mardi), de 9h00 à 18h00.
Tarif d’entrée : 2.50 € (Tarif réduit), 5.00 € (Plein Tarif), Gratuit (-12 ans, Etudiants, Demandeurs d’Emploi).
Plus d’infos : www.mba.tours.fr
Crédits Photos : Musée des Beaux Arts de Tours