« Le péril »,  jaune cela va de soi, est-il aussi désastreux a priori que ce que l’on semble redouter ? Rien n’est moins certain.

Bien sûr, la Bourgogne s’est émue aux larmes récemment lors de l’acquisition, qui avait défrayé la chronique, du Château de Gevrey-Chambertin par un richissime investisseur chinois, Louis Ng Chi Sing, pour une mise sur la table de huit millions d’euros quand la mise à prix initiale était de 3,5 millions. Reste que les vendeurs de tels domaines, eux, en retirent quelque satisfaction, comme on le devine. Rien de plus humain.

Du côté du Bordelais, les voix restent finalement assez douces malgré l’achat depuis 2008 d’une  bonne trentaine de châteaux, l’appétit chinois se révélant féroce tant pour la rive droite que pour la rive gauche. L’une des dernières particules tombées sous pavillon asiatique n’étant pas des moindres puisqu’il s’agit de Bellefont-Belcier sur Saint-Emilion. Et si la surprise sur le moment, feinte ou pas, n’était pas mince à la lecture de ces informations, on aime globalement à rappeler dans le Bordelais que ce sont les étrangers qui ont bien souvent forgé la réputation internationale des vins.

Témoin, le passé anglo-saxon, notamment, qui demeure encore bien visible à Bordeaux, en particulier dans le quartier des Chartrons, très couru par la bourgeoisie, marqué du sceau des commerçants protestants de ces pays. Sans oublier que le mariage entre Aliénor d’Aquitaine et Henri Plantagenêt au XIIème siècle, a permis, par les détaxations des vins bordelais, de se faire la place que l’on sait dans le concert planétaire. L’Histoire, on le voit, n’est pas pour rien dans la réalité internationale des vins de Bordeaux… Les châteaux qui portent les étiquettes Léoville Barton, Haut-Brion, Kirwan, Palmer et bien d’autres portent aussi une génétique européenne.

Ainsi, les Chinois acquéreurs de belles propriétés du côté de la Guyenne ne sont-ils pas vus d’un aussi mauvais œil qu’on pourrait le penser. D’autant que les marchés mondiaux se comportent très bien pour les grands crus bordelais. En particulier dans les fameux pays dits des Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine), où le marché des vins devrait monter en flèche dans les années à venir : une progression de 80%, annonce-t-on ! La Chine devant se tailler la part du tigre sur cette courbe vertigineuse.

Et si l’appétit chinois ne s’y manifeste pas encore vraiment, pas sûr que cela tarde.

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Autrement dit, les affaires vont bon train. Enfin… pour les châteaux de renom. Pour les autres, du côté de Blaye ou des Bordeaux Supérieurs, il faut continuer à se battre comme des damnés sur les marchés. Ce qui est le propre de toutes les régions. Dans le Val de Loire, on connaît la chanson. La sueur en est la rime principale et permanente. Et si l’appétit chinois ne s’y manifeste pas encore vraiment, pas sûr que cela tarde. Après tout, une fois les pépites bordelaises rognées, l’Empire du Milieu pourrait bien se racler les dents sur quelques jolis terroirs des bords de Loire.

Mais l’entente peut parfois se révéler tout à fait cordiale. Preuve en est  la vente du château de Selles-sur-Cher et la quarantaine d’hectares de vignes attenantes au profit d’un couple franco-chinois très investi dans l’importation de vins… en Chine. Il paraît qu’à Selles tout le monde en était ravi.

Jean-Claude BONNAUD
Revue trimestrielle « Le Vin Ligérien »

Crédits Photos : Daniel Jolivet (Flickr Commons), BelgianChocolate (Flickr Commons)

*L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.

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